Un héros ?
Romain Gary : le courage, l’indépendance d’esprit, l’humour, ce héros de la résistance est aussi l’un de nos plus grands écrivains, il a su inventer sa vie mais aussi décider de sa mort, c’est le panache, la noblesse de l’âme slave. Je ne connais pas de plus beau livre d’amour que la promesse de l’aube..
Une devise ?
“Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront.” René Char
Ce qui vous rend meilleure ?
Habiter la campagne.
Un rituel quotidien ?
Le chocolat. Je ne sais pas finir un repas sans.
Une chanson ?
Celle des jumelles dans les « demoiselles de Rochefort » de Jacques Demy. Ce film fut le théâtre de mon enfance. Je rêvais d’une vie en couleur, en chanson et en passion comme celle que savait inventer Jacques Demy.
Une rencontre déterminante ?
Celle d’Henri Cartier Bresson, à 18 ans. Je faisais mes premiers pas en tant que photographe, il était mon modèle absolu. Il m’a fait l’honneur de regarder quelques-unes de mes images et m’a dit : « pour être photographe, l’important n’est pas de faire des images. Posez votre appareil pendant 1 an et apprenez à regarder. La photo c’est avant tout savoir appesantir son regard sur le monde ». Ce métier est loin de moi aujourd’hui mais ce conseil est resté un axiome de ma vie. Voilà ce que je voudrais transmettre à mes enfants. Savoir prendre le temps, de regarder, de ressentir, de penser, de partager, de rêver. C’est l’un des grands défis des nouvelles générations, tant sollicitées par le flot continu des images et des informations.
Un modèle ?
Marguerite Yourcenar, profondément singulière, altière, elle incarne le courage et l’honnêteté intellectuelle, une connaissance presqu’absolue, vertigineuse, des sujets qu’elle traitait, le refus de tout compromis et une conscience politique et sociale très en avance sur son temps (l’écologie, le racisme..). C’est une aristocrate amazone, assurément l’un des plus grands esprits du siècle. Elle avait un sens du choix des mots que je ne retrouve plus aujourd’hui. Pour moi, c’est l’expression absolue : savoir traduire jusqu’au plus infime méandre de sa pensée par les mots justes sans jamais se laisser aller à la simplification ou à l’approximation. Les entretiens qu’il nous reste d’elle sont des sommets d’intelligence et clairvoyance. Lisez « les yeux ouverts » et les mémoires d’Hadrien » bien sûr.
Une passion secrète ?
La musique classique. Cela me met dans une bulle de beauté et d’harmonie ; je ne comprends pas qu’on puisse s’en passer. Je n’y connais pas grand-chose mais écouter me suffit.
Une pièce de théâtre ?
Une représentation plutôt : « le partage de Midi » de Paul Claudel, à la comédie française avec Marina Hands et Eric Ruff qui en était aussi le metteur en scène. Je l’ai vu 3 fois. Il y a des rencontres avec des spectacles comme avec des films ou des musiques. Ruff a su saisir le merveilleux et l’éternel de cette tragédie, mettre les spectateurs en lévitation, au diapason de cette phrase qui résume bien la pièce : « Il ne faut pas chercher à comprendre, il faut perdre connaissance ».
Le plus grand poète ?
Victor Hugo pour le courage et l’universalité, Verlaine pour la fragilité et la musique, Aragon pour la liberté, Rimbaud pour l’aventure.. Pourquoi choisir ?
En un mot, pouvez-vous résumer ce qu’est la cuisine pour vous ?
A la fois un refuge et un lien au monde
Une bonne résolution pour 2016 ?
Me mettre au yoga pour tenter de dormir plus de 4 h par nuit !
Qui vous manque en ce moment ?
Ma maman. Si loin, si proche.
Un petit défaut à corriger ?
Une certaine tendance à la procrastination.
Un luxe ?
Le calme et l’espace
Ce qui vous fait rire ?
Julie, Marion, Lili, Delphine, Barbara, Gwen, mes copines, la même bande depuis 25 ans.
Une qualité qui vous fait défaut ?
Une certaine forme de courage. Mon mari est un homme incroyablement courageux. Il est sans peur, hormis celle de la maladie de ses proches. Je l’admire beaucoup pour cela. Je me sens beaucoup plus vulnérable, plus appréhensive à l’égard de l’avenir, ce qui me bride parfois dans mes choix.
A quelle heure et pourquoi vous levez vous le matin ?
Vers 4-5 h. Par gout du pain et du calme du petit matin
De quoi avez-vous peur ?
De la domination croissante de l’économie sur les états.
Une thérapie pour garder le moral ?
Je chante !
Quels mots pourriez-vous prononcer avant d’expirer ?
Je ne sais pas. Mais j’espère pouvoir prendre à mon compte ce poème d’Aragon
C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes…
Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin là l’aube sera première
Il y aura toujours l’eau le vent, la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre…
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur les lèvres un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle