Régis Marcon fait partie de ces chefs qui ont eu la modestie (ou l’intelligence ?) de planter les racines de leur talent dans le sol qui les avait vu naître, sans se laisser séduire par des terres plus tendres ou plus souvent foulées. Michel Bras, l’autodidacte surdoué passé du bar-tabac familial au vaisseau 3 étoiles, fut certainement l’un des premiers à s’enrôler dans cette pacifique armée de campagne. Son parcours, aussi limité géographiquement qu’étendu dans son influence, continue de susciter les vocations et rassurer les ambitions à travers le monde.
Régis Marcon n’est pas le moins doué de ces émules. A quelques kilomètres de la maison Bras, dans une région pas davantage fréquentée que l’aride plateau de l’Aubrac, il a transformé le modeste commerce de sa maman en une élégante halte « Relais et Châteaux », affichant complet d’une saison à l’autre (impossible de trouver une chambre ce soir-là). Qui ferait, si ce n’est pour découvrir ses alliances subtiles, le curieux projet de suivre la D 121 qui relie Annonay au Puy-en-Velay, de traverser la vallée de la Votasse pour s’arrêter à St Bonnet le Froid, village sans véritable charme, traversé par une ingrate départementale? La fidélité de Marcon à sa terre n’a pas seulement assuré son succès, elle a également redonné vie à cette région reculée. Au nombre de 4 il y a 20 ans, les commerces du village dépassent désormais la quinzaine.
C’est avant tout de fierté que Régis Marcon a enrichi la Haute-Loire. Chéri par la presse, le modeste Régis a fait de l’emblème de sa région - la lentille du Puy - une manne au prestige international. Trans-saisonnière, elle balise le repas comme une borne de randonnée : façon cassoulet, elle est la compagne d’un excellent homard bleu poché et rôti, elle se laisse « ragoûter » avec quelques copeaux de truffes, parfume le pain (un peu mou, dommage), se glisse parmi les desserts et constitue même la base d’une singulière confiture maison que vous ne manquerez pas de mettre dans votre sac à main avant de partir. Les champignons font également partie de ses couleurs primaires.
Diserts, toniques, ils sont comme les bouches des fées cachées dans les forêts et nous murmurent à l’oreille mille histoires merveilleuses. Pour le reste, rien n’est impossible pour Régis. Il nous ferait presque oublier qu’avant lui, la carotte n’a pas souvent fréquenté l’abricot, que le trou normand n'est pas ailleurs constitué de champagne et de thé rouge, que la langoustine n’est pas la cousine du chou fleur (excepté chez Michel Bras) ou que la fourme d’Ambert est rarement prise en glace, tant ces mariages semblent couler de l’une des innombrables sources de la région.
La délicate interprétation que ce maître fait de son terroir se prolonge jusqu’aux bonbons à la verveine du Velay, maligne ponctuation des desserts. Ils libèrent en bouche une fraîcheur qui nous transporte jusqu’aux cimes du village, là ou précisément, Régis et Michèle Marcon s’apprêtent à inaugurer leur nouvel établissement. Un vaisseau aux lignes pures qui mêle verre, pierre granitique, hêtre et noyer. Un mariage moins atypique que ceux opérés dans les assiettes mais qui ne rend pas moins hommage à cette attachante région.
Auberge et Clos de Cimes St Bonnet-Le-Froid 43290 (Haute-Loire)