Éthique et conscience : les nouveaux venus dans notre assiette

Éthique et conscience : les nouveaux venus dans notre assiette

On me demande souvent des conseils pour bien manger, mais s’il est important de maîtriser quelques bases de cuisine, il s’agit avant tout de bien acheter.

Alors que nous n’avons jamais eu accès à autant de produits alimentaires, artisanaux ou industriels, alors que production et consommation alimentaire deviennent un enjeu majeur pour l’avenir de notre planète, choisir nos aliments s’apparente à un casse-tête. Bien manger ne suffit plus, il faut désormais intégrer notre responsabilité alimentaire qui rend l’acte du mangeur aussi complexe que passionnant. Petit b.a.-ba du mangeur moderne.

Le bon produit ?

La vraie question est de déterminer aujourd’hui ce qu’est un bon produit et, le moins que l’on puisse dire, c’est que les critères ne sont plus les mêmes qu’autrefois :

N’oublions pas l’essentiel, un bon produit c’est d’abord un aliment savoureux. Mais ce n’est pas tout…

Un bon produit, c’est aussi un aliment qui a des bénéfices nutritionnels sur notre organisme. C’est évidemment un produit neutre voire idéalement, vertueux pour l’environnement à travers sa production : en culture biologique si possible, issu de la polyculture de nos ancêtres qui fait des déchets des uns les fertilisants des autres, ou encore produit en permaculture (utiliser des végétaux pour nourrir, protéger et traiter les végétaux eux même). C’est aussi un produit qui n’est pas sur emballé - voire pas emballé du tout - et qui n’a pas traversé la planète en avion si on peut le produire en France !

C’est enfin un produit qui ne déstabilise pas l’économie, qui n’engraisse pas les plus gros au détriment des petits. Bref, un commerce équitable pour tous, que ce soit le chocolat du Nicaragua ou les carottes des sables du Cotentin.

Un bon produit c’est un produit au juste prix. Renseignez-vous dans votre région, allez voir les agriculteurs, abonnez-vous aux AMAP, repérez les stands de producteurs sur les marchés. Moins d’emballage, moins de marketing, moins de distance parcourue par nos aliments : moindre prix mais plus grande valeur nutritionnelle et écologique. Le budget des ménages alloué à l’alimentation a été quasiment divisé par deux depuis les années 60. Revoyons nos priorités !

Vers une nouvelle ère agricole ?

Il est intéressant de voir que même les plus grandes sociétés remettent en question leur modèle à l’image d’Emmanuel Faber, le PDG de Danone qui tente d’amener les géants de l’industrie agro-alimentaire à une production plus éthique.

Sur le terrain au quotidien *, je m’enthousiasme de voir le monde paysan changer, conciliant respect de la terre, des hommes et apport des technologies. Les initiatives innovantes se multiplient, les jeunes retrouvent plus volontiers le chemin des cultures, les citadins sont de plus en plus nombreux à se laisser séduire par l’aventure de la terre, le bio gagne du terrain.

Pot de terre contre pot de fer ?

Je ne suis pas de ceux qui croient en un avenir agricole uniquement composé de production locale artisanale. La demande alimentaire est trop forte et croissante pour que tous les acteurs du secteur ne puissent cohabiter. Nous avons aujourd’hui pris l’habitude d’avoir accès à des produits du monde entier, cette mondialisation participe à la modernité de nos cuisines. A nous de doser les produits étrangers et lointains que nous mettons dans nos placards, au même titre que la viande que nous mangeons, ils doivent rester rares et être utilisés à bon escient. Si ces industries alimentent nos économies et fournissent du travail à nombre d’entre nous, elles doivent gagner en conscience, c’est à dire avoir pour mission, non seulement de cohabiter et de soutenir les plus petits, mais surtout d’être irréprochable sur leurs méthodes de production. Au risque que leur démesure vénale et irresponsable ne les entraine vers une chute qui déstabiliserait tout le monde agricole.

Si tout le monde s’y met…

Ce qui est certain c’est que l’on en peut plus acheter, consommer, manger sans un minimum de conscience et de connaissance.

Charge aux consommateurs que nous sommes de se saisir de notre responsabilité vis à vis de l’environnement et de nos agriculteurs en faisant les bons choix et en favorisant le bio, les circuits courts et le commerce équitable. Charge aux producteurs de chercher le meilleur modèle pour leur écosystème familial et environnemental, ce qui implique parfois de remettre en question le modèle préexistant. Charge aux pouvoirs publics d’aider à la conversion en bio les agriculteurs qui le souhaitent mais aussi de s’assurer que les industriels ne font pas de leurs engagements un simple argument marketing et que leurs produits sont « transparents » sur les méthodes de production

Une fois ces postulats assurés, alors nous pourrons faire les bons choix, en pleine connaissance et conscience de l’impact de notre alimentation.

*Je suis en ce moment en tournage d’une nouvelle collection d’émissions liée à la vie quotidienne des agriculteurs de nos régions : « paysans d’aujourd’hui » diffusée sur France 3 depuis le 19 octobre.