Deux jours à Madrid

Deux jours à Madrid

Dès l’arrivée, je vous laisse deviner quelle fut ma destination prioritaire. Le plus grand magasin Zara du monde, un bar à tapas pour s’enfiler la traditionnelle tartine à l’ail et à l’huile d’olive du matin, des billets pour une corrida ou un match du Real ? Comme dans chaque ville où je me trouve fraîchement débarquée, ma priorité va aux merveilles qui ornent les rayons des supermarchés. La meilleur façon pour moi de faire connaissance avec le pays, on ne se refait pas ! Immanquablement, au fil des rayons, je découvre des produits impossibles à se procurer en France (ou bien plus chers), qui risquent fort de devenir le must-have de cette année.

Lundi matin, me voilà donc à la «Grande Epicerie» locale, celle du Corte Inglès, le grand magasin chic situé sur l’avenue le plus célèbre de la ville, la Castellana. D’apparence, rien de bien éloigné de nos grandes surfaces, des allées spacieuses éclairées par des néons à peine voilés. Quand on sait que l’on est dans le magasin le plus sophistiqué de la ville, l’on se dit que l’alimentation espagnole n’a pas encore subit la révolution du design ! Première escale : les conserves de poisson. Le goût très prononcé des espagnols pour le poisson les a amené à développer toutes sortes de techniques de conservation: séchage ou salage (morue), fumage (thon et saumon), escabèche (sardines) ou encore en conserve. Parmi ces dernières, l’offre est pléthorique et la qualité bien supérieure à celle pratiquée en France. Je tiens pour explication la place que prend cette tradition dans un pays en partie désertique où les déplacements furent longtemps difficiles et qui du pousser bien plus loin que nous les variétés et les techniques. Pour les espagnols, les conserves n’ont jamais été une nourriture de disette mais plutôt un mets de choix auquel le temps ne fait qu’ajouter du prix. J’en veux pour preuve les boîtes de plastique scellées et « bipées », dans lesquelles certains produits sont présentés pour éviter la fauche (les palourdes (almejas) et les anchois notamment, voire photos). Cette exigence de qualité tombe bien, rien n’est plus simple à transporter que des conserves, tant que l’on évite les bocaux.

J’ai fait une petite sélection pour que vous ne soyez pas dans le jus lors de votre prochain voyage dans la péninsule : Les chipirons sont des calmars grands comme une phalange. Choisissez-les conservés dans l’huile d’olive (la moindre des choses ici !). Rien ne sert de chercher loin, ceux de la maison mère «El Corte Ingles» sont parmi les meilleurs (2,50 euros/ 110 g). Egouttés et sautés 3 minutes à feu vif, ils s’accommodent parfaitement d’une pointe de «pimientòn», ce délicieux paprika fumé dont les espagnols font grand usage et qui gagnerait à figurer dans le placard de tout cuisinier curieux. Pourquoi rapporter des filets d’anchois d’Espagne sachant que l’on en trouve si facilement chez nous ? Tout simplement parce qu’ils sont meilleurs et bien moins chers là-bas (ceux de Collioure sont un régal mais difficiles à se procurer). Quitte à les importer, choisissez le top : Filets d’anchois de Cantabrie de la marque Elite, emballage chicissime. A 5,65 € la boite de 85 g, ça peut ! Le clou, ce sont les angulas. Les civelles ou piballes dans le Sud Ouest, poutine en Provence, ou alevins d’anguilles en cours de sciences nat (ça existe toujours ça les sciences nat’ au fait ?). Ces petits serpents sont si prisés que la pêche est désormais très limitée pour éviter la disparition de la race. Une comparaison hâtive consisterai à les rapprocher des escargots de Bourgogne : peu de goût mais une texture singulière et une remarquable capacité à absorber les condiments. Ce qui explique sans doute les quantités astronomiques d’ail et de piment dont on les assaisonne. Je vous conseille de les acheter conservées dans l’huile d’olive nature pour n’avoir plus qu’à les égoutter et les faire revenir avec une pointe de piment d’Espelette et d’ail, ou encore de préparer l’omelette à la poutine comme les mamas du midi.

Si vous en faites cadeau, offrez-les à quelqu’un qui saura les apprécier car il vous en coûtera tout de même 14, 90 € pour 115 g (mon choix : Portomar). Enfin les coques (4,41 €) ont l’avantage d’être décortiquées et conservées au naturel. Amusant et très pratique pour un plat de «vongole» improvisé. Autre spécialité à mettre d’urgence dans vos valises ; la sauce de tomates vertes. Corsée au piment, à l’oignon et à la coriandre, elle accompagne aussi bien les légumes que les poissons. Et côté calories, le ketchup peut se mettre à la diet : 2,5 calories la cuillère à soupe. Qui dit mieux ?

Dernier achat obligé : les truffes. On n’aurait pas pensé revenir d’Espagne avec des truffes plein les poches, c’est oublié que les forêts de l'Estrémadure en recèlent et que les prix s’affichent bien en dessous de ce qu’ils sont en France. Pour les trouver fraîches, il faut se rendre sur les marchés (la fête de la truffe à Sarrion dans la province du Teruel vaut le détour) mais pour ceux qui n’auraient pas le temps de s’enfoncer dans le pays, les truffes se trouvent toute l’année en conserve dans les épiceries fines et les supermarchés bien approvisionnés. Attention à ne pas acheter la truffe Estivum (d’été) bien moins parfumée que la Tuber Melanosporum. A la caisse : 9,10 € pour 10 g (quand elle s’affiche à un prix doublé en France). Restons dans le noir : où que je sois, je ne peux m’empêcher de fureter au rayon chocolat, sous le fallacieux prétexte de mon appartenance au conseil supérieur du club des croqueurs de chocolat (sic !). A priori, je ne m’attendais pas à un miracle venant de l’Espagne, leur consommation se résumant essentiellement aux «churros y chocolate», ces beignets en forme de saucisses striées que les noctambules plongent dans un chocolat chaud fortement lacté... C’était oublier que l’Europe découvrit le cacao au 16 ème siècle grâce à la témérité d’Hernan Cortès et que depuis, les espagnols prennent l’histoire très au sérieux. La marque Torras, visiblement bien implantée, propose un chocolat qui cumule les mandats : ecologico (entendez issu du commerce equitable), bio-organic et pure chocolate (noir, sans matières grasses ajoutées). Ce qui arrive n’est pas toujours ce que l’on attend : le goût de cacao est pur, bien présent, la casse est belle et la texture est irrésistiblement (comme un gianduja mais sans la noisette). La mention «fondant» imprimée sur le paquet n’est pas usurpée et l’on se dit qu’ils ont du mérite, à Girona, de faire de nous des cacaophiles comblés, en bonne santé et citoyens avec ça ! Comme la plaquette ne pèse que 80 g (1, 95 €), on n’a même pas mauvaise conscience de l’avoir terminée avant la fin du week-end.

Autre curiosité, à déguster sur place ou dans l’avion à la limite : le riz au lait. Là aussi, les espagnols nous coiffent au poteau au regard de ce que l’on trouve dans les rayons de nos supermarchés. Proposé dans de jolis pots en terre, le riz au lait «Doncel» est moelleux tout en gardant son «grain» et le lait, entier, est délicatement aromatisé au citron et à la cannelle. Un plaisir diablement régressif !

Avant de quitter le «Corte», je crois que je vais faire une halte au rayon bagages...